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/ Faculté des sciences infirmières

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Entrevue avec Christine Laliberté

L’autonomisation des infirmières et infirmiers praticiens spécialisés (IPS) est une avancée historique au Québec. Christine Laliberté, présidente de l’AIPSQ, clarifie ce que le nouveau règlement sur les IPS représente pour la pratique avancée en sciences infirmières.

 1.       Quel est le rôle des IPS et où les retrouvons-nous dans le réseau de la santé?

Il y a 5 classes de spécialités d’IPS au Québec : 1re ligne, soins aux adultes (cardiologie, néphrologie, etc.), santé mentale, soins pédiatriques et néonatalogie.

Les rôles sont très diversifiés, mais, à la base, nous accompagnons les usagers en les guidant dans l’autoprise en charge, l’autodétermination et l’autosoin. L’objectif est d’augmenter l’accessibilité en dispensant des soins de qualité à la population.

Au-delà de ses compétences médicales, l’IPS a d’autres compétences en pratique infirmière avancée dont le leadership, le mentorat, la supervision et l’enseignement, le développement de la collaboration interprofessionnelle et le soutien à la recherche. De manière concrète, l’IPS prend en charge les patients aux prises avec des maladies chroniques telles que le diabète, la maladie pulmonaire obstructive chronique, l’hypertension, l’hypercholestérolémie, l’asthme et l’hypothyroïdie. Ceci permet à la population d’obtenir rapidement un diagnostic et de recevoir les traitements requis par sa condition.

L’IPS peut prescrire des médicaments, des examens radiologiques et diagnostiques, et suivre l’usager tout au long de la trajectoire de soins, en collaboration avec tous les intervenants sollicités, au besoin.

Les IPS du Québec évoluent dans plusieurs secteurs : les cliniques médicales, les centres locaux de services communautaires, les centres d’hébergement de soins de longue durée et le milieu hospitalier.

 2.       Quels sont les grands changements apportés par le nouveau règlement sur les IPS?

Du point de vue clinique, il y a eu 3 ajouts majeurs : poser des diagnostics, déterminer des plans de traitement pharmacologique et effectuer des suivis pour les grossesses à risques élevés.

 Le gain majeur « pratico-pratique » pour le patient est que l’IPS n’aura pas à le référer à un médecin pour avoir un diagnostic et un plan de traitement, mais pourra effectuer ces actions et faire le suivi, ce qui réduit le dédoublement de rendez-vous et favorise l’accès aux soins.

Du point de vue administratif, il y a plusieurs chantiers en cours. L’IPS pourra produire certains documents, notamment : certificats médicaux, arrêts de travail, évaluations pour l’école nationale de police et celle des pompiers, retraits préventifs, documents pour la Commission des normes, de l’équité, de la santé et de la sécurité du travail ou la Société de l’assurance automobile du Québec.

 3.       Qu’en est-il de l’harmonisation du travail des IPS avec les autres professionnels?

Les IPS ont toujours préconisé le travail d’équipe avec tous les intervenants du milieu pour une meilleure harmonisation et efficacité des soins dispensés.

Ils poursuivront dans la même direction, soit : prodiguer des soins en impliquant le patient, sa famille/ses proches, mettre l’accent sur la prévention de la maladie et sur les bénéfices d’une saine alimentation et de l’activité physique, travailler à l’instauration d’une collaboration intra/interprofessionnelle essentielle, afin que l’usager en retire le maximum de bienfaits.

 4.       Comment ce règlement représente-t-il une plus grande accessibilité pour la population québécoise?

La population bénéficiera grandement des changements apportés au règlement. L’amélioration de l’accès aux soins, la réduction du nombre de visites pour un même problème et l’apport accentué des IPS, en raison de l’autonomie élargie qui leur est octroyée, contribueront à optimiser les soins de santé et à donner à l’usager les services auxquels il a le droit de s’attendre.

Les IPS sont des spécialistes hautement qualifiés et d’une très grande rigueur, dont le droit de pratique est tributaire d’une formation en pratique avancée et d’un stage de 950 h.  

5.       Qu’est-ce qui a causé ce besoin de changement?

C’est l’urgence de répondre aux besoins pressants de la population, la sous-utilisation de spécialistes qualifiés dans le réseau de la santé et le vieillissement de la population nécessitant des soins ponctuels et adaptés à leur condition.  

6.       Quelles sont les avancées des autres provinces dont nous pouvons nous inspirer?

Les IPS du Québec, dont la formation est la plus longue au Canada, n’ont pas encore un rôle à parité avec leurs consœurs et confrères canadiens. L’AIPSQ sollicite les associations d’IPS des autres provinces et territoires canadiens selon les besoins et l’avancée des travaux. Dans le reste du Canada, les IPS posent des diagnostics depuis le début de leur pratique, dans les années 1960 et ont une pratique plus autonome.

 7.       Quelle a été votre expérience en tant que présidente de l’AIPSQ dans ce changement pour la pratique des IPS?

Ça fera 6 ans en mai que je suis présidente de l’AIPSQ. Quand j’ai commencé mon mandat, nous étions déjà dans la réévaluation des lignes directrices pour les infirmières et infirmiers praticiens spécialisés en soins de 1re ligne (IPSPL).  

À cette époque, nous visions déjà un rôle autonome comme le reste du Canada, mais nous étions conscients qu’il y avait beaucoup d’étapes à franchir.

Initialement, nous avons créé des rencontres statutaires avec l’Ordre des infirmières et infirmiers du Québec (OIIQ) et la Direction nationale des soins infirmiers (DSI) au ministère de la Santé et des Services sociaux. Nous avons aussi créé de nombreuses alliances avec divers organismes impliqués auprès des IPS. 

Nous avons été interpellés et consultés lors des travaux préparatoires qui ont mené au projet de loi 43 ainsi que pour les travaux parlementaires liés à la modification du règlement. Nous favorisons la collaboration et il était essentiel de s’entourer des personnes authentiques et bienveillantes dont la préoccupation principale se centre sur les besoins populationnels.

 En tant que présidente de l’AIPSQ, il est essentiel de m’assurer de bien répondre et représenter chacune des classes de spécialités d’IPS. Nous avons rédigé au moins 5 mémoires ainsi que des documents explicatifs pour faire comprendre le rôle des IPS.

Nous n’aurions pu le faire sans l’apport de chercheurs du Canada et du Québec, de nos alliés, et des associations d’IPS des provinces et territoires. L’appui de la DSI nationale (DNSSI) et du cabinet du ministre de la santé a été essentiel; ils croyaient à l’apport inestimable des IPS dans le réseau de la santé et aux bénéfices liés à la pleine utilisation de leurs compétences. C’était un vrai travail d’équipe, dans la bienveillance.

Il reste encore beaucoup à faire, mais je salue l’ouverture du gouvernement québécois face à ces avancées dans la pratique des IPS et remercie mes collaborateurs de partout au Canada qui, comme nous, croient à la nécessité de répondre aux besoins populationnels. N’oublions jamais que la population, c’est nous aussi!

J’ai dû apprendre à composer avec l’inconfort et l’incertitude, dans les relations avec les médias et au niveau politique, par exemple! Je me sens plus à l’aise aujourd’hui, mais toujours avec le souci de bien représenter mes pairs et de bien faire les choses.

 8.       Quand le règlement sur les IPS entre-t-il en vigueur?

La nouvelle loi et le nouveau règlement sont en vigueur depuis le 25 janvier dernier, et les IPS sont tenus de les appliquer dans le respect de leurs compétences. Des formations seront dispensées afin de les outiller davantage au besoin. 

Une évaluation de l’application du règlement est prévue dans 2 ans, afin de s’assurer d’un déploiement optimal du rôle des IPS et d’apporter les modifications nécessaires, s’il y a lieu. Les lignes directrices d’accompagnement de l’OIIQ seront disponibles bientôt.

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