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Patricia Beaulac : Une superinfirmière en santé mentale

Patricia Beaulac

Même si elle n’apprécie pas ce superlatif, car selon elle tous les infirmiers et infirmières sont « supers », Patricia Beaulac fait partie de la 1re cohorte de personnes infirmières praticiennes spécialisées (IPS) en santé mentale de l’Université de Montréal (UdeM). La maîtrise qu’elle a obtenue à l’automne 2019 lui donne notamment le droit de poser des diagnostics.

« Les troubles sévères et complexes relèvent d’un ou d’une psychiatre, précise-t-elle. Mais ceux légers à modérés sont davantage dans notre cour. Les dépressions, les troubles du sommeil, du déficit de l’attention, bipolaires et anxieux, la consommation de drogues, etc., font partie de mon quotidien. »

Elle ajoute : « Les IPS en santé mentale sont en mesure d’évaluer les troubles mentaux, de poser des diagnostics, de prescrire des médicaments, d’ajuster la médication, de demander des analyses en laboratoires ou des interventions sociales, de même que de référer vers des professionnelles et professionnels adaptés aux besoins, tels que des éducatrices et éducateurs spécialisés, des travailleuses et travailleurs sociaux, des psychoéducatrices et psychoéducateurs ou des psychologues. Ma pratique est vraiment très diversifiée. »

Ces nouvelles prérogatives découlent du Règlement sur les IPS, approuvé par le Gouvernement du Québec le 18 décembre 2020, dans le but d’améliorer l’accès aux soins de santé pour la population. Ainsi, depuis le 25 janvier 2021, les IPS du Québec peuvent exercer de nouvelles activités professionnelles de nature médicale, dont diagnostiquer des maladies, déterminer des traitements médicaux et effectuer le suivi de grossesses.

La stigmatisation de la santé mentale

D’aussi longtemps qu’elle se souvienne, il a toujours été évident pour l’entourage de Patricia Beaulac qu’elle deviendrait infirmière, tant elle prenait systématiquement les choses en main lorsqu’un ou une proche tombait malade.

Dès sa 1re année au cégep Édouard-Montpetit de Longueuil, elle travaille comme préposée aux bénéficiaires. Sa technique en poche, elle poursuit au baccalauréat pour être infirmière clinicienne et commence sa carrière dans les soins physiques. Elle se retrouve aux soins intensifs, en traumatologie ou à l’urgence. C’est là qu’elle se rend compte de l’incompréhension qui règne à l’endroit des patientes et patients atteints de troubles de santé mentale. Elle décide de se consacrer à cette clientèle.

« Mon père souffre d’un trouble bipolaire avec, pendant de nombreuses années, de grands      problèmes de consommation d’alcool et de drogues, confie-t-elle. Je me disais que, s’il se rendait à l’urgence, il ne serait pas pris en charge de manière équitable. Je trouvais ça inacceptable. Ça m’a poussée à me diriger vers la santé mentale. »

Elle entre alors au Centre de réadaptation en dépendance de Montréal. Elle y travaille à l’urgence-dépendance, en désintoxication, en jeunesse externe et en liaison avec le milieu hospitalier. Bref, partout où elle est appelée pour éviter les trous de service.

Parallèlement, elle va chercher une maîtrise en intervention en toxicomanie et obtient un poste en formation à l’Institut universitaire sur les dépendances. Elle offre ses services dans les maisons de jeunes, dans les cégeps, au Service de police de la Ville de Montréal, dans l’armée, à des juges de la Cour du Québec et au personnel enseignant, soit à tous les gens et établissements susceptibles de côtoyer une clientèle ayant des problèmes de dépendance.

Son parcours la mène en gestion à l’Institut national de psychiatrie légale Philippe-Pinel. Elle décide alors de s’inscrire à la maîtrise en sciences infirmières, option pratique infirmière avancée en santé mentale de l’UdeM, un tout nouveau programme qui venait d’ouvrir ses portes en septembre 2017.

Une nouvelle pratique en évolution

« Ces 2 ans à temps plein étaient vraiment intenses, avoue-t-elle. J’ai apprécié l’interdisciplinarité du cursus. Les professeurs et professeures étaient très à l’écoute aussi. À la fin de chaque cours, ils nous demandaient si ça répondait à nos besoins et ce qu’ils pourraient optimiser. Et la formation était très pointue. En psychiatrie, par exemple, nous étions avec des résidents et résidentes. En physiopathologie, psychiatrie clinique, psychopharmacothérapie, c’était très exigeant. C’est important, car c’est ce qui nous permet de nous faire confiance une fois sur le terrain. »

Elle avait pourtant sous-estimé le temps nécessaire, à la suite de l’entrée en pratique, pour développer son assurance professionnelle face à ses nouvelles compétences et responsabilités.      Elle mentionne d’ailleurs que quelques IPS, dont elle fait partie, souffraient du syndrome de l’imposteur en démarrant.

« C’est normal, puisqu’il s’agit d’une pratique récente, reconnaît-elle. Nous exerçons de nouvelles responsabilités, qui viennent avec une imputabilité plus large, mais nous avons les compétences nécessaires. Les médecins sont contents et contentes de nous voir arriver, et les patients et patientes n’ont pas de réticences. Certains ont même plus de facilité à nous parler, car ils se fabriquent parfois des a priori favorables envers nous. »

Éradiquer le temps supplémentaire obligatoire (TSO) 

Patricia Beaulac pratique actuellement au CIUSSS de l’Estrie, à Granby, en tant qu’IPS en santé mentale et praticienne-chercheuse. Elle est également chargée de cours et tutrice à l’UdeM. Si elle semble heureuse dans ses nouvelles fonctions et s’enthousiasme à l’idée de pouvoir faire une différence dans la vie des patients et patientes, grâce à la valeur ajoutée que lui confère son statut d’IPS, elle regrette que nombre de gens, notamment ceux qui évoluent en politique, croient encore en la « vocation religieuse » des infirmiers et infirmières.

« Nous ne sommes plus au temps des monastères, lance-t-elle. Notre vocation est professionnelle, ce qui signifie que nous avons une vie personnelle en parallèle. Le TSO doit être éradiqué, car il s’apparente à une sorte de travail forcé. Dans certains hôpitaux, il a déjà disparu, donc c’est possible. Si l’on veut mettre fin à l’hémorragie dans notre milieu, ce n’est plus négociable. » 


Rédigé par Hélène Roulot-Ganzmann, mars 2022.

À la demande du Réseau des diplômés et des donateurs pour la Faculté des sciences infirmières de l’Université de Montréal.