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Stéphanie Dollé, ou le souci de l’Autre

En tant qu’infirmière, tout en occupant différentes fonctions, Stéphanie Dollé a passé ses 31 dernières années dans le milieu de la santé, le plus souvent au chevet de patients admis aux soins intensifs. Cependant, le 1er juin, elle a entrepris un nouveau départ en se dédiant à l’enseignement et à la recherche en tant que professeure adjointe à la Faculté des sciences infirmières de l’université de Montréal. Bien consciente de la crainte que les jeunes pourraient ressentir à l’idée d’embrasser une profession malmenée et qui demande force et abnégation, la néo-enseignante n’a qu’un seul message à leur faire passer, celui d’écouter leur cœur.

« Oui, c’est inquiétant, admet-elle. On l’a vu durant la Covid, les médias en parlent tous les jours, les infirmières sont fatiguées et perplexes face à leur avenir. Je comprends que les jeunes hésitent à s’engager dans cette profession. Mais si, ce qui les anime vraiment, c’est de prendre soin de l’Autre à différentes phases de sa vie, je n’ai qu’un conseil à leur donner, c’est d’essayer. De vivre cette expérience et de juger par eux-mêmes sur le terrain. Rien n’est immuable. » 

Un immense privilège 

C’est ce qu’elle a fait, elle, il y a plus de trente ans, alors qu’elle vivait en France. Elle aspirait à travailler en relation avec des personnes et dans le soin, la profession d’infirmière lui a paru tout naturel. Diplôme en poche, elle travaille une dizaine d’années dans les hôpitaux de son pays d’origine. Mais elle aspire à découvrir si les conditions d’exercice des infirmières sont similaires dans toutes les contrées. Elle entend alors parler d’un échange possible entre infirmières d’ici et de là-bas. On est en 2001, c’est le tout début de ce programme. Elle tente sa chance, pensant que ce serait provisoire. C’était il y a 22 ans! 

« Le parcours n’a pas été linéaire, mais plutôt sinueux, lance-t-elle. D’abord, à cette période, mon diplôme français n’était pas reconnu comme un baccalauréat. Il a donc fallu que je passe l’examen du permis de l’Ordre du Québec. En même temps, j’aspirais à aller à l’Université, car en France, dans les années 1990, les études d’infirmières ne se faisaient pas à l’Université. Le Québec me l’a permis. » 

Parce que les cours en soirée permettent aux personnes qui travaillent de combiner vie professionnelle et études. Parce que aussi, ici, plus qu’en France, l’expérience et les acquis sont reconnus pour prétendre entrer dans un programme d’études supérieures. C’est ainsi qu’elle est admise à l’Université de Montréal et qu’elle obtient sa maîtrise en bioéthique (Faculté de médecine de l’Université de Montréal) en 2011 et son doctorat en sciences infirmières (Faculté des sciences infirmières de l’Université de Montréal) dix ans plus tard. 

« En réalité, depuis que j’y ai mis les pieds, je n’ai jamais vraiment quitté l’université puisque j’ai réalisé des cours comme étudiante libre et que j’y enseigne déjà, à temps partiel, depuis l’an dernier, raconte-t-elle. L’Université, c’est toute une expérience. C’est un lieu très enrichissant et inspirant, parsemé de différentes rencontres et d’échanges d’idées qui amènent à découvrir et à se découvrir. On y côtoie des professeurs qui sont reconnus internationalement et qui en même temps sont très accessibles, avec lesquels, on discute, on partage. Et maintenant, je vais être leur collègue! C’est un rêve qui se réalise, Plus jeune, j’avais pensé être enseignante, mais je ne pensais pas avoir toutes les habiletés pour y arriver. Je ne l’avais pas réalisé en entamant ce long parcours vers le doctorat, mais en fait, aujourd’hui, la boucle est bouclée. C’est un immense privilège. » 

Ouverture à la différence 

Ce qui ne l’empêche pas d’avoir un pincement au cœur à l’idée de quitter le terrain. Ces plus de trente ans passés auprès de patients de tous les âges – aux soins intensifs, donc entre la vie et la mort – et leurs familles l’ont fait grandir professionnellement, mais aussi comme citoyenne du monde et donc comme être humain, affirme-t-elle. 

« Aux soins intensifs, la mission est de réanimer, il n’en demeure pas moins que le taux de décès y avoisine les 20 à 25 %, cela excluant la période de pandémie. La mort est présente dans ces unités. Dans ces instants, l’humanité est la facette du soin qui prend les devants de la scène plutôt que l’aspect technique de celui-ci », raconte celle dont la thèse de doctorat portait justement sur l’expérience de soins vécue par des infirmières d’unités de soins intensifs auprès de patients et de leurs proches lorsque l’arrêt de traitement devient une option. « Dans ces instants se rencontrent des vulnérabilités, celle du patient et ses proches, et celle des soignants qui sont alors confrontés à toutes sortes de considérations et de croyances. Cette proximité à l’Autre dans le soin requiert humilité, tolérance et une ouverture à la différence. » 

C’est cette expérience qu’elle souhaite transmettre maintenant aux étudiantes de la future génération, afin de leur permettre à elles aussi de pouvoir vivre ces expériences de soin avec une certaine sérénité.  

« Et quand je la vois aller, cette génération, j’ai de l’espoir, conclut Stéphanie Dollé. Les étudiantes et étudiants que j’ai eus durant la dernière année ont traversé la Covid. Elles étaient en stage. Et pourtant, à mon grand étonnement, malgré les difficultés rencontrées, elles ont encore une étincelle en elles qui traduit l’envie d’exercer cette profession qu’elles ont choisie. Elles ont le goût de déployer leurs compétences dans les différents milieux de santé. C’est très encourageant. Cela m'a animée à opter pour devenir professeur : je me dis que c'est peut-être la somme de ces flammes qui va permettre d’amener une nouvelle énergie et un nouveau souffle dans un milieu de santé qui a besoin de renouveau et de vitalité. 

Rédaction : Hélène Roulot-Ganzmann